Une histoire de faussaire

Bonjour,

Je vais vous raconter une histoire à tiroirs qui a débutée il y a plus de 30 ans. C’est l’histoire d’une trouvaille numismatique à la grande fouille de Rougemont dans le Doubs (3km de brocs). A cette brocante, un déluge c’est abattu dans la matinée et en cherchant un refuge sous une tonnelle je remarque dans une soucoupe, baignant dans l’eau de pluie, 13 monnaies gauloises (en or), 13 statères dont 10 Ambianis et 3 Morinis et oui, des statères ! Je m’informe auprès du « vendeur », dans un premier temps, il me dit qu’il ne sait pas grand-chose, que c’est son grand père qui a trouvé une vingtaine de monnaies dans un ruisseau dans le nord, n’étant pas collectionneur il serait vendeur. Il désire se renseigner avant de vendre. Je tente une offre en lui disant que je classe personnellement ses monnaies dans les incertaines de l’Est et à ma grande surprise, il me dit que je me trompe qu’il s’agit de statères Ambiani et Morini. Oups !

Je lui laisse alors mon N° de téléphone et lui demande des photos et le poids des monnaies et de me faire une proposition. Je remarque grâce aux photos que les 10 monnaies ont le même défaut au niveau du menton 3 petites stries, pour le reste tout semble ok, la proposition dépasse largement mon budget car c’est une proposition globale ( x 13). Donc je l’invite à la grande bourse de Besançon que nous organisons chaque année pour qu’il puisse les vendre (avec l’espoir de pouvoir malgré tout lui acheter une monnaie de chaque type). Le jour de notre bourse d’avril, je le présente (de mémoire) à Mr Vaudelin et là le verdict tombe : elles sont fausses, le prix : au poids ! le vendeur repart avec ses monnaies. Le vendeur avait plus de 45 à 50 ans.

15 ou 16 ans plus tard mon fils achète une monnaie ( un statère des Ambianis). En examinant, je retrouve les même défauts au niveau du menton, le soir même nous rappelons donc le vendeur (à l’époque j’avais encore les photos dans mes archives) car c’était bien une des 10 monnaies, bien identifiables avec pour celle là un coin éclaté à la frappe. Je vous passe le sport pour récupérer la majeure partie de la transaction (ce vendeur devait avoir dans les 40 ans donc pas un rapport direct avec le précédent).

Et la semaine dernière (+15 ans) je reçois un appel, pour me demander si j’étais intéressé par une matrice de frappe d’une monnaie romaine ou gauloise. Je vais voir et là on me présente deux coins et un poinçon en bronze, 3 blocs d’acier permettant de tenir ces coins et axe de 26 cm de longueur ayant un diamètre de 6 cm en prime une frappe sur un flanc d’argent. le vendeur : un vieux papy "flingueur". La boucle était fermée.

Un travail de faussaire mais très intéressant pour la compréhension sur les faux.

Coin avers statère Ambiani

Coin revers statère Ambiani

Quelques petites réflexions sur le travail de ce faussaire

Le premier travail a été réalisé dans un morceau de bronze d'une centaine de grammes. Cette gravure n'est pas inversée et représente la future monnaie dans le sens ou sera frappée celle-ci. Ce poinçon a un fort relief et en fonction de l'orientation dans la verticalité du poinçon pendant la frappe de la matrice, le visage sera légèrement déformé d'où plusieurs variantes de coins pour un même poinçon. La hauteur du relief du poinçon varie entre 1.5 mm et 2 mm. Je n'ai pas encore parlé du future coin, celui ci est également en bronze épaisseur de 1.8 cm d'un diamètre de 5 cm pour un poids de 275 g. Celui ci à probablement été monté fortement en température, puis frappé à l'aide du poinçon, puis a subi une trempe à froid pour lui redonner sa dureté. La gravure sur ce coin se retrouve donc inversée (en creux ou comme une intaille).

Ce faussaire à probablement utilisé une presse hydraulique ou d'un autre type, car les portes-coins n'ont aucune marque de coup (marteau ou masse).

Pourquoi un statère ? C'est plus rare, c'est plus cher, moins de points de comparaison et la transaction se fait plus rapidement et le berné ne s'en vante que rarement ! De plus, il y a trente ans les infos étaient rares. Pour mémoire, les photocopies étaient en noire et blanc, les catalogues de vente aussi.

Pour conclure

Je dois vous montrer la totalité des supports des matrices l'axe le plus grand mesure 26 cm 60 mm de diamètre pour 5.200 kg. Il faut également remarquer que sur la matrice on distingue un autre visage (indiqué par une flèche blanche), le faussaire à donc testé un autre poinçon.