7- L'atelier monétaire de Bordeaux (1455-1540)
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Repères chronologiques de l'atelier monétaire de Bordeaux, de ses maîtres particuliers et de leurs différents, de Charles VII jusqu'à François Ier.
Anglaise depuis 1152 (mariage d'Aliénor, héritière de Guyenne avec Henri Plantagenêt, héritier du trône d'Angleterre), la ville de Bordeaux fut reconquise une première fois en juin 1451 par le Bâtard de Dunois. Mais une révolte des Bordelais en octobre 1452 permit le retour des Anglais dans la ville, avec à leurs têtes John Talbot. Une nouvelle expédition française permit, après la victoire de Castillon (juillet 1453), la deuxième capitulation de Bordeaux (05 octobre) et l'expulsion définitive des Anglais de la région (19 octobre). Cette reconquête marque la fin de ce qu'on appelle la Guerre de Cent Ans.
Dès la première capitulation, Charles VII s'accorda avec les Bordelais (20 juin 1451): "fera le Roy battre monnoye en ladicte ville de Bourdeaulx [...] et permettra le Roy que les monnoyes qui à présent ont cours audict pais, y puissent encores avoir cours ung an ou deux, si bon leur semble; et donnera le Roy, en faisant faire icelle monnoye, la plus part de son droit de seigneuriage, affin de amender icelle monnoye au proffict du peuple dudict pais". Cette générosité était calculée, il s'agissait de ne pas brusquer et de ne pas heurter le peuple du pais bourdelois, après les trois siècles de domination anglaise. La révolte de 1452 ne modifia pas les accords passés, le Roi pardonna.
Le différent de l'atelier est une nef, le plus souvent accompagnée d'un petit croissant en-dessous.
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Jean VACQUE (1455-1469) - Nommé pour deux ans par Jean Bureau, trésorier de France1, confirmé en mai 1462 par Louis XI.
Ouvrage (Charles VII et Louis XI): écus et demi-écus d'or, gros de Roi, blancs aux couronnelles, oboles tournois et deniers bourdelois.
Le 13 juin 14692, il est condamné à l'amende (10 écus) pour écharceté de loi sur deux boîtes d'écus d'or. S'il n'a pas de différent répertorié, les monnaies bordelaises de Charles VII retrouvées sont évidemment issues de sa maîtrise (à noter qu'il n'y a pas de croissant sous les nefs initiales):
Ecu neuf (coll. perso) Gros de Roi (coll. perso) Blanc aux couronnelles
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André GENYS (1470?-1475) - A commencé sa maîtrise quand Charles, frère cadet de Louis XI, était duc d'Aquitaine (avril 1469- mai 1472).
Son monnayage, plutôt rare, se compose de forts d'or, écus d'or au chevalier, hardis et demi-hardis d'or, blancs, doubles hardi, hardis, deniers et oboles tournois (DF1147 à 1155). Sur les monnaies du duc frappées à Bordeaux, les nefs sont également dépourvues du croissant en-dessous, et on trouve un lis dans la légende, qui est communément identifié comme étant la marque d'André Genys. Ensuite, on retrouve ce même lis sur des monnaies de Louis XI, frappées entre 1472 et 1475: écus, demi-écus d'or et hardis, ce qui confirme l'attribution du différent.
Hardi d'or (lis à 6h après DVX) Ecu à la couronne (lis après GRACIA)
Le 01 mars 1475, André Genys est condamné à 600 livres tournois d'amende pour les fautes commises du temps du duc de Guyenne3, ce qui est certainement la cause de son remplacement.
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Jobert de CHICQUE (1475-1495) - Auparavant changeur de Bordeaux (1460), nommé en 1475 pour quatre ans, reconduit en septembre 1479 pour quatre ans, en 1483 pour huit ans, et en 1491 pour huit ans. Décédé courant 1495.
Le 09 juin 1477, il est mis à l'amende (25 livres tournois) pour écharceté de loi sur une boîte d'écus d'or. Le 17 mai 1479, il est arrêté et enfermé le lendemain en la Conciergerie, avec le garde Jacques Faitis (erreurs sur l'ouvrage de blancs au soleil); ils sont libéré le 12 août et assignés à résidence. Le lendemain fut enjoinct et commandé à Jobert de Chicque, maistre particulier, et Jacques Faitis, garde de la monnoye de Bourdeaulx de doresnavant ès deniers d'or escuz et deniers grans blans au soleil, avec autres monnoyes qui seront faictes, ouvrées et monnoyées en lad. Monnoye, qu'ilz facent mectre en la fin des lettres de chacune espèce desd. monnoyes une estoile pour différance nouvelle, sur peine d'amende arbitraire." Le 16 août, ils sont tous deux mis à l'amende (300 écus) pour ces erreurs de titre et de poids sur des blancs au soleil. En mai 1490, mentionné en procès avec Simon Guenet, garde, au sujet des gages de celui-ci.
: étoile finale (sur double tournois de Charles VIII, émis à partir de 1483)
Certaines monnaies de Bordeaux de cette époque portent de nombreuses variétés de ponctuations:
- sur celles de Charles VIII: deux coquilles superposées
- type spécial d'écu d'or au soleil (D576): la croix du revers est cantonnée d'un B et d'un croissant
- sur celles de Charles VIII puis de Louis XII: deux croissants superposés (verticaux ou horizontaux), deux losanges superposés
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Ambrois de LA FONTAINE & Jacques de CHICQUE (1495-1505?) - Nommés pour huit ans.
Ambrois de La Fontaine est condamné, avec le garde Simon Guenet, en août 1499 pour des erreurs de loi sur écus et demi-écus d'or, et erreurs de poids sur blancs et petits blancs, liards, deniers tournois et deniers bourdelois (amende 200 livres tournois), et "oultre avons enjoinct ausd. maistre et garde faire rompre et casser tous les fers de lad. Monnoye sur lesquelz a esté fait et forgé l'ouvrage desd. boestes et en faire d'autres sur lesquelz sera doresenavant besongné en icelle monnoye et non sur autres, et prendre led. maistre nouvelle différence." Différence à déterminer.
Ouvrage: écus et demi-écus d'or, blancs et petits blancs aux couronnelles, liards, deniers tournois, bourdelois.
Outre les ponctuations déjà citées plus haut, on trouve sur certains blancs, petits blancs et écus d'or au soleil de Louis XII, un annelet et un croissant superposés.
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Jean de LA FONTAINE (1505-1507) - fils d'Ambrois de La Fontaine et de Louyse de Chicque, nommé par lettres patentes du 15 mars 15054, il est alors déclaré mineur5. Il a un compétiteur, Jean ANDRE le jeune, qui présente les mêmes lettres de nomination; mais en mai 1505, les généraux maîtres donnent raison à Jean de La Fontaine.
Assigné le 06 novembre 1507 à comparaître pour assister au jugement de son ouvrage en écus d'or; c'est à sa mère de le représenter, physiquement ou par procuration, comme tutrice d'un enfant mineur. Mentionné en octobre 1508 comme "naguères maistre particulier de la Monnaie de Bordeaulx".
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Martin CLI(G)NET (mars 1508-1509) - mentionné dès octobre 1508 comme maître particulier ou commis à la maîtrise, également ajourné à comparaître à la chambre des Monnaies. Condamné (100 livres tournois) en novembre pour écharceté de loi sur son ouvrage d'écus d'or au porc-épic (ouvrage: mars-août 1508). Mentionné comme commis à la maîtrise en mai 1509.
Son différent (qui se rencontre sur des monnaies au porc-épic) est probablement un C en fin de légende:
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Robert GIRAULT (1508-1515) - mentionné comme commis à la maîtrise en février 1508 pour Jean de La Fontaine, et également pour Martin Clignet; également assigné à comparaître pour des erreurs sur des écus d'or. Condamné (25 livres tournois) en janvier 1509 pour écharceté de loi sur l'ouvrage fait pour Martin Clignet, reste en prison tant que la somme n'est pas réglée. Condamné à 50 livres tournois pour écharceté de loi sur son ouvrage d'écus au porc-épic (juin 1512); et finalement une autre condamnation, pour une erreur d'aloi sur un ouvrage de liards (20 livres tournois, août 1515).
Ouvrage: écus d'or au porc-épic, dizains Ludovicus, hardis, liards, deniers bourdelois, deniers tournois.
: R en fin de légende
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De juin 15156 à avril 1519, l'atelier de Bordeaux fut fermé par le Roi.
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Robert GIRAULT (1519-1528) - 2nde maîtrise, avec le même différent: R en fin de légende. Ouvrage: écus d'or au soleil, dizains Franciscus, douzains, doubles, deniers tournois et deniers bourdelois.
Début 1522, on lui ordonne de comparaître au mois de mai, avec le garde Charles Boivin, pour répondre du foiblage de leurs boîtes; en août, il doit détruire les fers qui ont servis à ouvrer des mauvaises monnaies, et il doit également choisir un nouveau différent.
Il prend "ou lieu d'une R qui estoit à la fin des lettres une G qui sera semblablement mys à la fin desd. lettres":
Il connait fin 1527 d'autres ajournements à comparaître (pour des erreurs de loi et de poids sur écus d'or et douzains), qui aboutirons sur une nouvelle injonction de changement de différent: un annelet "qui sera mis entre le navire et la petite croix". Décédé courant 1528.
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Pierre GAIGNARD (1528-1530) - Nommé pour 10 ans. Ouvrage, à partir de juin 1528: écus d'or, dizains Franciscus, doubles et deniers tournois, deniers bourdelois. Condamné, en février 1530, avec Simon Guenet garde, à une amende, respectivement de 1200 et 400 livres tournois (erreurs de poids et de loi sur des écus d'or). Ils sont également privés de leurs offices à vie.
: P en fin de légende
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Robert CHAVYNEAU (1530-1531) - Cité comme commis en juillet 1530. Ouvrage: écus, douzains et double tournois. Arrêté (fin 1530), puis condamné à une amende de 100 livres tournois pour erreurs sur son ouvrage, et à être privé à vie de la commission de la maîtrise de Bordeaux.
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Jean de LA FONTAINE (1532-1537) - Un temps commis durant la maîtrise de Robert Girault (1527). Nommé pour cinq ans. Ouvrage: écus et demi-écus d'or, douzains, deniers tournois, deniers bourdelois. Il sera maître de l'atelier de La Rochelle en 1538.
Différent répertorié: F en fin de légende
Différent retrouvé: fontaine aux eaux jaillissantes en début ou en fin de légendes:
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Charles MARTIN (1537-1540) - Nommé pour deux ans, puis prolongé en 1539 pour 6 ans. Ouvrage: écus d'or, deniers tournois, deniers bourdelois. Sera nomma tailleur de l'atelier de Bordeaux en 1541.
Premier différent, un C en fin de légende: . Ouvrage: écus d'or, deniers tournois, deniers bourdelois.
Suite à des erreurs sur son ouvrage, il doit changer (1539) de différent7: une étoile (à 6 branches) en début de légende: . Ouvrage avec ce différent: écus d'or, douzains, dizains, doubles et deniers tournois, deniers bourdelois.
A noter un différent : une étoile à 5 branches dans le C final: . Il semble être intermédiaire entre les deux précédents, même si l'étoile est différente (5 au lieu de 6 branches).
Enfin on note également un autre différent: ce qui semble être un K en début de légende: . Il est placé ici pour l'instant, Charles Martin semblant le seul candidat possible pour cette marque. On remarque que le C et le C étoilé sont en fin de légendes, et que l'étoile à 6 branches et le 'K' sont en début de légendes.
Pour la suite des maîtres de Bordeaux, voir FRANCIAE IV.
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1- F. de saulcy, Recueil de documents relatifs à l'histoire des monnaies frappées par les Rois de France, tome III, page 205
2- idem, page 265
3- idem, page 276
4- F. de saulcy, Recueil de documents relatifs à l'histoire des monnaies frappées par les Rois de France, tome IV, page 60
5- l'âge de la majorité civile, à l'époque, est de 25 ans
6- F. de saulcy, Recueil de documents relatifs à l'histoire des monnaies frappées par les Rois de France, tome IV, page 150
7- idem, page 332