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Les monnaies de la cité d'Éphèse, située en Ionie (une région historique de l'Asie Mineure), sont particulièrement célèbres pour leurs motifs ornés d'une abeille.

Éphèse était une des douze villes de la Ligue Ionienne et une des plus importantes cités de l'Antiquité. Ces monnaies étaient utilisées dans le commerce local et international. La richesse d'Éphèse en faisait une cité influente économiquement, et ses pièces étaient largement acceptées.

 

Éphèse

La ville d’Éphèse est située dans l'actuelle Turquie près de la côte égéenne, elle est une ancienne cité grecque qui a connu une histoire riche et complexe à travers les âges. La légende raconte que la ville fut fondée par les Amazones. Cependant, la ville s’est très probablement établie par des colons grecs de l'Attique et de l'Ionie au Xème siècle avant J.-C..

 

Un peu de contexte

L’Ionie est une région historique située sur la côte ouest de l'Asie Mineure, dans l'actuelle Turquie. Elle s'étendait principalement le long des côtes de la mer Égée, entre la rivière Hermos (aujourd'hui Gediz) au nord et le fleuve Méandre (aujourd'hui Büyük Menderes) au sud.

Elle a été colonisée par les Grecs à partir du XIème siècle avant J.-C., après les invasions des Doriens qui ont poussé de nombreux Grecs à migrer vers l'est. Ces colons ioniens ont fondé plusieurs cités prospères. Parmi les villes les plus célèbres de l'Ionie, on compte Milet, Éphèse, Smyrne (aujourd'hui Izmir), et Colophon. Ces cités ont joué un rôle crucial dans le développement de la culture, de la philosophie et des sciences grecques.

Éphèse prospère grâce à son port naturel et son emplacement stratégique sur les routes commerciales entre l'Asie et l'Europe. La ville devient un centre majeur de la culture ionienne.

 

Le Temple d’Artémis (Artemision)

L'une des sept merveilles du monde antique est construite vers 550 avant J.-C. sous la direction de Crésus, le roi de Lydie. Le temple est dédié à la déesse Artémis et attire des pèlerins de toute la Méditerranée.

Artémis est la déesse grecque de la chasse, de la nature et de la lun et est souvent associée à divers symboles qui reflètent ses domaines de pouvoir et d'influence, en voici quelques-uns : le tir à l’arc (arc, flèches et carquois), cerf et autres animaux sauvages, le croissant de lune, le cyprès, les fontaines et cours d'eau,...

Les abeilles étaient également sacrées pour Artémis qui étaient vues comme des créatures pures et harmonieuses. Leur production de miel et leurs structures géométriquement parfaites, comme les alvéoles, symbolisent l'ordre et la pureté.

Éphèse reste un centre de culte important pour Artémis. La ville est également mentionnée dans le Nouveau Testament comme l'un des premiers centres du christianisme. Saint Paul y prêche et écrit des lettres aux Éphésiens.

Reconstitution du temple au parc Miniatürk d’Istanbul.

 

Conquête par les Perses

En 546 avant notre ère, Éphèse tombe sous la domination de l'Empire Perse. La ville fait partie de la révolte ionienne contre la domination perse en -499, qui est réprimée.

Avant la conquête perse, Éphèse faisait partie du royaume de Lydie, sous le règne du célèbre roi Crésus. Quand Cyrus le Grand de l'Empire achéménide conquiert le royaume de Lydie. La défaite de Crésus conduit à l'incorporation des cités grecques d'Ionie, dont Éphèse, dans l'Empire perse. Bien que les cités ioniennes, y compris Éphèse, soient sous la domination perse, elles conservent une certaine autonomie et continuent leurs activités commerciales et culturelles.

En 499-493 avant J.-C., les cités grecques d'Ionie se révoltent contre la domination perse, dans ce qui est connu sous le nom de Révolte ionienne. Éphèse joue un rôle important dans cette rébellion. La révolte est écrasée par les Perses. Milet, une autre cité importante, est particulièrement punie, tandis que Éphèse, bien que moins sévèrement touchée, reste sous contrôle perse.

Sous la domination perse, Éphèse et d'autres cités ioniennes subissent l'influence culturelle et administrative de l'Empire perse. Les satrapes perses (gouverneur d'une division administrative) administrent la région, intégrant certaines pratiques perses dans la gouvernance locale.

Malgré la domination étrangère, Éphèse continue de prospérer comme un centre commercial et culturel. Les Perses, étant des administrateurs pragmatiques, permettent aux cités grecques de maintenir leurs activités économiques et leurs traditions locales, tant qu'elles paient le tribut et restent loyales.

La conquête par les Perses est un épisode marquant qui montre la résilience des cités grecques comme Éphèse face à l'influence des puissants empires environnants. Malgré la domination perse, Éphèse réussit à préserver sa culture et son dynamisme économique jusqu'à sa libération par Alexandre le Grand.

 

Période Héllénistique

En 334 avant J.-C., Alexandre le Grand libère Éphèse de la domination perse. Il propose de financer la reconstruction du Temple d'Artémis, mais les Éphésiens préfèrent le faire eux-mêmes pour honorer la déesse.

Après la mort d'Alexandre, Éphèse est disputée entre ses successeurs, notamment Lysimaque, qui renomme la ville "Arsinoéia" en l'honneur de sa femme. Lysimaque modifie également la structure de la ville pour mieux la défendre et la protéger des inondations.

 

Période Romaine

En 129 avant J.-C., Éphèse devient partie de la province romaine d'Asie. La ville connaît un nouvel âge d'or sous la domination romaine, devenant un centre administratif et commercial majeur. La ville se dote de nombreuses structures romaines imposantes, dont la bibliothèque de Celsus, le grand théâtre pouvant accueillir 25 000 spectateurs, et l'agora.

Bibliothèque de Celsus, inaugurée en 135 après J.-C.

 

Déclin de la Cité

Au cours des siècles, l'ensablement du port et les invasions répétées, notamment par les Goths, contribuent au déclin d'Éphèse.

Les premiers signes de déclin apparaissent déjà au IIIème siècle après J.-C., avec des attaques et des destructions, notamment lors des invasions goths en 263 après J.-C.

L'un des principaux facteurs du déclin d'Éphèse est l'ensablement progressif de son port. Le fleuve Caÿster (Küçük Menderes) transporte des sédiments qui finissent par obstruer le port, crucial pour le commerce et la communication. De plus, la région est sujette à une activité sismique importante. Plusieurs tremblements de terre endommagent les infrastructures de la ville au cours des siècles, rendant la reconstruction difficile et coûteuse.

Le déclin général de l'Empire romain affecte également Éphèse. La ville souffre de la crise du troisième siècle, de l'instabilité politique et des pressions économiques. A cause de l'ensablement du port et le déclin de l'Empire romain, les routes commerciales se déplacent progressivement, réduisant l'importance stratégique et économique d'Éphèse.

La ville perd de son importance sous l'Empire byzantin. Les séismes et les changements climatiques conduisent à l'abandon progressif de la ville.

 

De nos jour

Aujourd'hui, Éphèse est un site archéologique majeur, célèbre pour ses ruines bien préservées qui attirent des milliers de touristes chaque année. Les fouilles continuent de révéler de nouveaux aspects de la vie dans cette ancienne métropole.

Éphèse a donc une histoire riche qui reflète les transformations culturelles, politiques et économiques de l'Antiquité méditerranéenne.

 

 

Numéraire des monnaies à l'Abeille

 

Monnaie à l'Abeille d'Éphèse

Les monnaies de la cité d'Éphèse sont particulièrement célèbres pour leurs motifs ornés d'une abeille. Ces monnaies étaient utilisées dans le commerce local et international. La richesse d'Éphèse en faisait une cité influente économiquement, et ses pièces étaient largement acceptées.

La symbolique religieuse de ces numéraires renforçait le lien entre la cité et la déesse Artémis, favorisant les pèlerinages et les donations au temple d'Artémis. Les monnaies ioniennes d'Éphèse à l'abeille sont principalement frappées entre le VIème siècle av. J.-C. et le IIIème siècle av. J.-C.. L'abeille est associée à la déesse Artémis, qui était vénérée à Éphèse, et au temple d'Artémis, l'une des Sept Merveilles du Monde. Les abeilles symbolisent la fertilité et l'ordre social en raison de leur structure communautaire.

Les revers des monnaies peuvent varier. On trouve souvent un cerf (un autre symbole associé à Artémis), des palmiers, ou des inscriptions telles que "ΕΦΕ" (abréviation d'Éphèse). Certains revers montrent aussi des symboles religieux ou des outils rituels liés à la déesse Artémis. 

 

Quelques exemples de monnaies

- Hemiobol (1/12 de statère) : Petite pièce en électrum, avers avec une abeille, revers avec un carré creux.

- Drachme en argent : Avers avec une abeille et revers avec un cerf, souvent accompagnée d'une palmette ou d'autres symboles.

- Statère : Grande pièce souvent en électrum, avec des motifs similaires à ceux des drachmes, mais plus détaillés et plus grands.

 

Pour conclure

Les monnaies d'Éphèse à l'abeille représentent non seulement un aspect crucial de l'économie antique, mais aussi un symbole culturel et religieux puissant. Leur iconographie centrée sur l'abeille et Artémis illustre l'importance de la divinité tutélaire de la ville et offre un aperçu fascinant des pratiques et croyances anciennes.

Les monnaies varient en taille et en valeur, allant de petites fractions de drachmes à des statères plus imposantes en argent ou en électrum. 

Des exemplaires de ces monnaies peuvent être trouvés dans de nombreux musées du monde, notamment le British Museum à Londres, le Louvre à Paris, et le musée archéologique d'Istanbul ainsi que dans des collections privées en raison de leur histoire riche et de leurs motifs artistiques uniques.

 

SOURCES

 

  • Numista, une plate-forme unique pour apprendre, collectionner, échanger et partager autour de la numismatique.
  • Bibliothèque de Celsus, MURATART / ISTOCK VIA GETTY IMAGES
  • Historical topography of Ephesos. Geographical data from P. Scherrer (ed.), Ephesos, The New Guide, Selçuk, 2000.
  • "The Greeks and the Persians" par George Cawkwell.
  • "The Library of Celsus in Ephesus".
  • Encyclopedia of Ancient Greece par Nigel Wilson.
  • Pravděpodobná podoba Artemidina chrámu v Efesu, Miniatürk Park, Istanbul, Turecko.
  • "The Coinage of Ephesus" par Hyla A. Troxell - Cet ouvrage est une étude détaillée sur la monnaie d'Éphèse, couvrant une période allant de l'Antiquité à l'époque romaine. Il examine les différents types de monnaies émises à Éphèse, ainsi que leur importance historique et économique.
  • "Greek Coins and Their Values, Volume I: Europe" par David R. Sear.
  • "Greek Coin Types and Their Identification" par Richard Plant.
  • "Sylloge Nummorum Graecorum: Turkey 1 - The Muharrem Kayhan Collection" par Oğuz Tekin.
  • "Coins of the Roman Empire in the British Museum: Vol. 1" par Harold Mattingly.
  • Carte en français des opérations militaires durant la révolte de l'Ionie qui va déclencher les Guerres médiques. Eric Gaba.
  • Alexander the Great, from Alexandria, Egypt, 3rd cent. BC, Ny Carlsberg Glyptotek, Copenhagen - Richard Mortel from Riyadh, Saudi Arabia.

 

 

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